jeudi 17 septembre 2009

SPECIAL K à l'Elysée





Spécial K, de Raphaël Defour (critique d’Élise Ternat), L’Élysée à Lyon



Une performance édulcorée



Au théâtre L’Élysée, les saisons se succèdent et ne se ressemblent pas. Et c’est sur un sujet ô combien léger que le théâtre ouvre une nouvelle fois ses portes au collectif Limass avec la présentation de « Spécial K ». Un titre à l’humour grinçant qui, à l’image de cette performance, aborde avec une douceur toute relative la question de l’anorexie.



Le dispositif scénique, tout d’abord, est signé Benoît Monneret, à qui l’on doit également les dessins accrochés à l’entrée de la salle et dont le trait rappelle à certains égards ceux du caricaturiste de Charlie Hebdo, Wolinski. Revenons au plateau maintenant, qui est habillé d’un décor léger fait de montagnes en carton et d’une rivière bricolée. Cet aspect enfantin, permet, semble-t-il, de mettre à distance la gravité du sujet abordé. Au milieu de ce cadre bucolique, on dénombre trois individus : une jeune femme au physique longiligne et fluet accompagnée de deux musiciens. L’un est à la batterie ainsi qu’au mixage et le second à la guitare.



Ce sont dix textes qui s’enchaînent durant un peu moins d’une heure. Chacun se démarque des autres par sa longueur, son rythme, son style, son message. Et un instant suffit à passer de la poésie sonore à la prière tremblotante, du slogan issu d’une manifestation au témoignage halluciné d’une héroïne d’un film de David Lynch, voire d’une junkie sortie d’un roman de Burroughs. On se laisse parfois emporter. À l’inverse, certains passages chargés de digressions sont propices à l’ennui.


[Spécial K]



Le traitement du sujet, quant à lui, nous marque par sa pertinence puisque bon nombre de questions et thématiques propres à l’anorexie et plus généralement à la féminité sont soulevées. La perception du corps, la souffrance, la culpabilité, ainsi que la jouissance dans le contrôle de soi flirtent avec des données plus physiologiques telles que l’enfantement, le vomissement, ou encore la défécation.



On apprécie la prestation de la comédienne, tantôt vulnérable tantôt vaillante, dont le charmant accent contribue à la rendre touchante. Ici, Nicole Mersey campe le rôle d’une femme-enfant, dont la robe légère de Lolita renvoie au cliché de la jeune fille en fleur que l’on imagine tout droit sortie du film Virgin Suicide.



La prestation musicale, enfin, est un élément à part entière de la performance. À cet égard, le choix des morceaux colle à la volonté d’exacerber la violence du propos ainsi que la gravité du sujet. On est à mi-chemin entre la musique noise et le heavy metal, le tout agrémenté de sonorités électro. On déplore hélas l’usage de certains dispositifs a priori judicieux qui, étirés à outrance, perdent en pertinence et en force. C’est notamment le cas de l’effet de décalage exercé sur la voix de la comédienne. On est un peu déçu par le choix des procédés de déconstruction qui ne vont peut-être pas assez loin et laissent le spectateur sur sa faim.



Spécial K apparaît finalement comme une forme aux contours flous, une performance encore un peu trop « light », trop édulcorée. Heureusement, Raphaël Defour nous annonce une suite à cette première étape de travail que l’on souhaite aboutie, puisque le potentiel, lui, semble déjà bien là. ¶



Élise Ternat

Les Trois Coups

www.lestroiscoups.com

Spécial K, de Raphaël Defour

Collectif Limass-Raphael Defour-Nicole Mersey • 9, rue Paul-Bert • 94400 Vitry-sur-Seine

Contact : collectif.limass@free.fr

Texte : Raphaël Defour

Conception : Raphaël Defour, Nicole Mersey

Dispositif et dessins : Benoît Monneret

Avec : Nicole Mersey, Anthony Capelli, Damien Paulet

Musique : Raphaël Defour

L’Élysée • 14, rue Basse-Combalot • 69007 Lyon

Tram-métro : Guillotière

Réservations : 04 78 58 88 25

10, 11 et 12 septembre 2009 à 19 h 30

Durée : 1 heure

10 € | 12 €

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Qui êtes-vous ?

comédien/perfomer, metteur en scène, auteur, chanteur, musicien, déménageur.